Lettre pour Thoronalag

Bilichilde

La porte fermée derrière elle, elle se dirigea aussitôt vers la cheminée. Posant quelques brindilles sèches sur les braises qui restaient, elle souffla un peu dessus, et, lorsque les flammes apparurent, elle ajouta un petit morceau de bois. Agenouillée devant l'âtre, elle regardait la lueur naissante, repenssant à la journée qui venait de passer.

Quelles nouvelles, tout de même !... En une soirée, elle avait appris le passé pas très honnête de Thoro, elle avait appris l'existence d'un ami, dont il ne lui avait jamais parlé, elle avait appris que cette... femme... avait essayé par deux fois de le tuer, et qu'elle l'avait probablement poussé à se tuer lui-même, elle avait appris qu'elle même était en danger... Et pourquoi ? Parce qu'elle eut le tort d'aimer Thoronalag...

Mais le feu commençait à bien prendre, il fallait remettre du bois. Une fois cela fait, elle retira sa cape, la posa sur le dossier d'une chaise, et s'assit face à la cheminée.

Que de bons moments elle avait passé dans cette cuisine !

Un matin, réveillée avant Thoronalag, elle avait eu faim, et avait passé le temps en préparant à manger. Elle avait vite fini, ajouté une rose sur la table, mais à son grand désespoir - et à celui de son estomac -, il n'était toujours pas réveillé. Et ce pot de confiture qui la nargait !... Il la regardait, avec ses beaux morceaux de fruits... N'y tenant plus, elle l'avait ouvert, et trempant son doigt dans la confiture turelure, ça sentait les abeilles, ça sentait les groseilles, ça sentait le miel,... (Oups... Ca n'a rien à faire là ça ! Quoi que... Vieux souvenirs aussi en fait ! Et un bon point, un ! ) Et donc, c'est le doigt dans la confiture que Thoronalag, se levant, la prit en flagrant délit de gourmandise... Quel bon moment ça avait été !... Un bon moment, parmi tant d'autres...

Un bon moment comme tous ces bons moments partis à jamais, que jamais plus elle ne revivrait...

Ses yeux commençaient à piquer, elle avait vraiment besoin de dormir. Mais elle était incapable de monter, seule, à l'étage. Besoin d'une présence, besoin de se sentir protégée. Un instant, elle pensa à aller chercher Nimedhel, il lui avait dit de ne pas hésiter... Mais ce fut elle qui hésita. Il était en ville, il lui faudrait donc ressortir, traverser les rues de Nevers une nouvelle fois... A cette idée, et malgré la chaleur du feu, elle ne put réprimer un frisson. Non, il fallait qu'elle reste là, c'était là qu'elle serait le mieux protégée. Quoique ? Non... C'était bien là... Il fallait que ce soit là...

Tout en essayant de se rassurer, elle pris dans l'armoire une couverture, qu'elle posa par terre, devant le feu. S'y allongeant, elle ferma les yeux, essayant de dormir. Mais cette nuit allait être la plus mauvaise qu'elle aurait passé depuis bien longtemps...

Bilichilde

A peine fermait-elle des yeux, que ses cauchemards l'assayaient. Alors, aussitôt, elle les rouvrait, regardait vers les flammes qui l'appaisaient. Au moins, il fallait voir le bon côté des choses : en ne dormant pas, elle pouvait remettre du bois dans le feu, et n'aurait pas à le rallumer le matin...

Enfin, les premières lueurs du jour apparurent. Enfin, elle osa se lever. Elle n'en pouvait plus de rester ici, à rien faire, à prendre peur. Alors, elle s'habilla et sortit. Ses moutons furent bien surpris d'avoir leur ration journalière de si bon matin, mais, le nez dans l'auge, ils montraient qu'ils n'en étaient pas déçus !

Elle était encore dans l'enclos lorsqu'elle vit quelqu'un s'avancer sur le chemin. Machinalement, elle se glissa contre un mur afin de voir sans être vue. L'homme arrivait, les bras visiblement chargés. Lorsqu'il approcha, elle le reconnu : Nimedhel, l'homme de la veille, l'homme par qui elle avait appris toutes ces mauvaises nouvelles, la cause de sa mauvaise nuit.

Elle réprima cependant son envie d'aller à sa rencontre, de se jeter dans ses bras comme elle aurait voulu le faire cette nuit, pour se sentir protégée. D'abord, cela aurait pu lui paraître parfaitement incongru : une jeune femme qu'il ne connaissait pas, ou très peu, qui se jettait dans ses bras... Et puis, sans savoir pourquoi, elle était toujours quelque peu méfiante. Que venait-il faire si tôt dans la matinée ?

Toute à ses pensées, elle le vit frapper à la porte, essayant de ne pas faire tomber ce qu'il tenait dans ses bras. De la confiture, du pain, de la viande séchée, une bouteille de lait... Un sourire de satisfaction s'afficha soudainement sur le visage de la jeune femme. Elle avait beau ne pas avoir dormi de la nuit, elle savait que manger la remettrai d'aplomb, comme souvent.

Ainsi, c'est certes en souriant, mais avec les traits tirés, qu'en contournant la maison, elle arriva devant lui.

Bonjour ! Comment allez-vous ? Je peux vous aider peut-être ?

Joignant le geste à la parole, elle prit la moitié de ses effets, et ouvrit la porte, lui enjoignant d'entrer.

Après vous, messire. Vous pouvez poser tout ça là, ajouta-t-elle en désignant la table.

Nimedhel

Il entra et posa ses affaires sur la table

Je me suis dit qu'un bon petit déjeuner nous ferait le plus grand bien par les temps qui courent.

J'imagine que vous devez être un peu secouée par ce que je vous ais dit hier.

Il s'assit et commença à préparer le repas, il avait également apporter une bouteille de vin jaune qui venait de chez lui.

Bilichilde

A son tour elle s'assit, le regardant faire, regardant surtout la bouteille de vin. Ca, elle savait ce que c'était. Et savait également comme elle l'aimait, ce vin. Elle en avait encore des bouteilles, dans la cave. Mais depuis la mort de Thoro, elle n'avait jamais osé en prendre. Parcequ'elle considérait que c'était son vin à lui, qu'elle n'avait pas à aller le prendre elle même. Parcequ'elle attendait une occasion pour le boire, parcequ'elle ne voyait pas l'intérêt de boire seule, à part pour se saoûler quand ça allait mal... Et ce n'était pas un vin fait pour ça...

Hmm ? Ah oui, vous avez raison pour le petit déjeuner... Quand ça ne va pas, manger me fait du bien. Vous avez bien dormi ? Moi je n'ai pas fermé l'oeil...

Nimedhel

Lorsqu'il eut finit de tout couper, il pris un morceau de pain et un morceau de viande et commença à manger

Oui j'ai bien dormi, pas beaucoup mais bien. Pour être franc j'ais dormis devant votre porte, je ne voulais pas vous quitter des yeux dans ces cironstances.

Voyant les yeux fatigués de la jeune femme, il dit

Vous devriez peut être prendre quelque jours de repos vous ne croyez pas ??

Bon pour le moment, mangeons !!
Du lait ou du vin ?

Bilichilde

Vous avez dormi devant ma porte ?!? Mais vous êtes fou, il devait faire extrêment froid !, dit-elle, pensant en même temps :"Eh bien il aurait pu venir avec moi hier soir alors... J'aurai eu moins peur..."

Elle le regarda manger, visiblement, tout cela n'avait pas l'air de l'inquiéter lui... Cette impression augmenta lorsqu'il lui demanda, simplement comme si elle venait de trop travailler, qu'elle devrait se reposer.

Prendre quelques jours de repos ? C'est ce que j'essaie de faire depuis des mois... Sans succès aucun... Mais bon, vous avez raison, mangeons ! Au moins, ça me fera oublier tout ça quelques minutes... Si je veux du lait ou du vin ?... Bonne question... En général, je préfère le lait de bon matin, mais je sais ce que vaut ce vin, et je n'en ai pas bu depuis tellement longtemps !... Le choix est difficile !

Allez, mettez moi un verre de chaque !, lui dit-elle, un léger sourire sur les lèvres.

Nimedhel

Il sourit et lui servit ses verres de lait et de vin.

Je m'excuse de vous demander ça, vous n'êtes pas obligée de répondre...comment avez vous connu Thoronalag ? Je le connaissais depuis longtemps et...disons qu'il avait des histoires de coeur compliquées à l'époque...

Bilichilde

Elle prit son verre de lait, et le porta à ses lèvres. Mais, face à la soudaineté de sa question, elle failli le lâcher et tout renverser ; cependant, elle se retint de justesse.

A chacune de ses questions, elle était surprise par la puissance que cela dégageait en elle , et par l'apparente insignifiance avec laquelle il les posait. Avait-il été aussi proche de Thoronalag qu'il le disait ? Elle avait l'impression qu'en ayant aimé quelqu'un, on ne pouvait être si peu affecté par sa disparition que ce qu'il voulait bien montrer...

Néanmoins, elle se sentait maintenant en confiance avec lui, et avait l'impression que, bien que revoir toutes ces scènes lui faisaient du mal, paradoxalement, parler de Thoronalag lui faisait du bien... Alors, elle commença à lui raconter.

Nous nous sommes rencontrés peu de temps après mon arrivée ici, à Nevers. C'est Kritoune qui nous a présentés, il avait pour mission de m'aider à m'intégrer à la vie de la ville.

Prenant une mèche de ses cheveux, elle l'entortillait autour de ses doigts tout en parlant. Elle repensa alors à la ballade sur les bords de la Loire, à la danse qu'ils avaient fait, dans une taverne vide, se demandant si elle allait lui raconter cela. Non, ces souvenirs étaient à eux seuls, à personne d'autre...

Et... Ce qui devait arriver arriva... Nous sommes vite tombés dans les bras l'un de l'autre.

Nimedhel

Lorsqu'elle parlait, il voyait que la jeune femme se plongeait dans ses souvenirs avec tristesse et joie, du moins c'est ce qu'il supposait. Il sentait quand elle parlait de Thoronalag, que leur amour et leur relation était très forts, et sincère et il imagine quel désespoir elle avait resentit à la mort de sons mari.

En entendant l'histoire de leur rencontre, il ne put s'empêcher de sourire

Vous savez, nous avons travailler longtemps ensemble Thoronalag et moi, et même si nous étions très proches, il restait très secret. Il ne parlait pas beaucoup et semblait ne rien ressentir du monde extérieur. Avec les années, j'ais compris qu'il intériorisait tous ses sentiments et cela lui faisait très mal, de ne pas réussir à les faire ressortir. Vous rencontrer à certainement été la plus belle chose qui lui soit arrivé. Je ne sais pas s'il se confiait beaucoup à vous, mais vous l'avez aider à canaliser toute cette colère et cette tristesse qui le rongeaient depuis longtemps. Nous nous écrivions beaucoup depuis qu'il était à Nevers, avec vous, il avait retrouvé le goût de la vie, qu'il avait perdu il y a bien longtemps, malheureusement il n'y pas vécu assez longtemps pour vivre plainement ce bonheur...

Bilichilde

En effet, il ne me parlait pas beaucoup de lui. D'ailleurs, il ne m'a jamais parlé de vous, alors que vous dites qu'il vous écrivait souvent. Et,ajouta-t-elle en soupirant, les rares choses que j'ai appris de son passé, il me les apprenait au compte goute, quand il jugeait nécessaire que je sois mise au courant.

Les yeux dans le vague, elle finit son verre de lait, attrapa une tranche de pain sur laquelle elle tartina de la confiture. Mordant à pleine dents dedans, Nimedhel ne pouvait voir le sourire qui devait apparaitre sur le visage de la jeune femme. Malgré ses pensées moroses, en effet, sa gourmandise était tellement grande que cela pouvait lui remonter le moral en un rien de temps. A peine la première bouchée avalée, elle lui demanda :

Et dans vos lettres, il vous parlait de moi ? Que vous disait-il ?

Nimedhel

Oui il me parlait de vous, de ses amis, de ses activités, de ses problèmes. Il se confiait beaucoup dans ses lettres, cela lui permettait de faire sortir les sentiments qu'il ne voulait pas partager avec vous.

Je suis même venu ici il y a quelques temps, mais vous ne vous connaissiez pas encore apparemment. Il avait une relation avec une autre femme dont j'ais oublié le nom.

Il finit le contenu de son verre et dit :

Y aurait-il un endroit ou je pourrais me laver un peu s'il vous plaît ???

Bilichilde

Si la deuxième bouchée fut avalée avec autant de plaisir, la troisième ne fut pas ressentie de la même manière... Lorsqu'il lui parla d'une autre femme, elle avait failli s'étrangler.

Une autre femme ?....

Mais, finissant son verre, il n'avait pas du l'entendre, car il n'avait pas relevé. Posant sa tartine sur la table, elle leva les yeux vers l'homme lorsqu'il lui demanda où il pouvait se laver.

Oh oui bien sûr, répondit-elle en se levant, mais je n'ai pas encore tiré d'eau du puits, vous le ferez vous-même.

Elle l'accompagna alors, puis revint dans la cuisine, et s'assit lourdement sur le banc. Regardant sa tartine avec des yeux agards, elle se demandait bien de qui il voulait parler.

Mais à cet instant, une seule réponse s'imposait à ses yeux : Natascha !... Mais pourquoi donc lui reparlait-il encore d'elle ? Que cherchait-il à faire, pourquoi vouloir lui faire mal - puisqu'il devait bien se douter qu'elle ne portait pas cette femme dans son coeur... - ? Il fallait qu'elle oublie cette femme... Qu'elle oublie le mal qu'elle lui avait fait... Qu'elle l'oublie même pour ne pas vivre dans la peur continuellement... Et lui, il lui parlait d'elle ?!?

Puis, elle se remémora sa phase : "Il avait une relation avec une autre femme dont j'ais oublié le nom."Ainsi, s'il avait oublié son nom, ça ne pouvait être d'elle qu'il parlait... Il la connaissait, jamais il n'aurait pu oublier ce nom lui non plus...

Avec soulagement cette fois, elle se souvint de ce dont lui avait parlé Thoronolag, et de la femme avec qui il était avant elle. Une amie, une bonne amie trop vite partie... Alors, le sourire revenu, la frayeur qui l'avait prise à l'instant où Nimedhel était sorti de la cuisine était repartie, et elle se remit à mordre à pleines dents dans sa tartine.

Nimedhel

Nimedhel revint dans la cuisine après c'être lavé. Il était beaucoup plus présentable que lorsqu'il était parti. Il s'était coupé un peu les cheveux, un peu maladroitement d'ailleurs. Comme ceci il paraissait mon vieux que le jour ou il était arrivé à Nevers.

Il s'assis près de Bilichilde et lui sourit.

Ca va ? Vous tenez le coup ?

Bilichilde

Une fois son repas terminé, Bili s'était levée, et avait nettoyé la table. Regardant au dehors, elle s'apperçut que le soleil était maintenant assez haut dans le ciel, la matinée avançait bien plus vite que la nuit...

Elle devait aller au marché ce matin, et se demandait s'il voudrait l'accompagner ou non. De toutes façons, s'il refusait, elle s'imaginait déjà rester calfeutrée chez elle, jamais plus elle n'oserait sortir seule après ce qu'il lui avait dit.

D'un autre côté, il n'allait pas rester là indéfiniment... Il avait certainement bien d'autres choses à faire que de s'occuper de la veuve d'un ami... Et puis, elle n'était pas si seule que ça, Ettan était là. Et même si elle doutait qu'à elles deux, elles soient capables de se défendre face à cette folle, elle se disait que jusqu'à maintenant...

Plus rien, elle ne se disait plus rien ! L'homme qui venait d'entrer dans la cuisine n'avait plus rien du vieillard qu'elle avait rencontré la veille. Comment avait-il pu à ce point se cacher, cacher son âge, son visage ?

Avec sur le visage une expression d'étonnement, elle le regarda s'asseoir, puis lui sourire.

Oui, oui... Ca va, ça va aller, oui, oui... Merci...

D'un air certainement désagréable pour lui, elle le dévisageait dans ses moindres détails. Comment avait-il pu ? C'était incroyable ! C'était pourtant bien lui, elle le reconnaissait... C'était lui, mais avec des dizaines d'années en moins...

D'un seul coup, toute la méfiance qu'elle avait pu éprouver envers lui la veille - si méfiance il y avait encore à cet instant - s'était envolée. Bien sûr, tout s'expliquait, il lui semblait beaucoup plus logique que Thoronalag ait eu un ami de son âge...

S'appercevant soudainement que son inspection pouvait le gêner, elle se reprit.

Je... Je devais aller au marché ce matin... Vous avez prévu quelque chose de votre côté ?

Nimedhel

Il s'amusa de voir comme elle le regardait. Apparemment son petit déguisement improvisé avait fonctionné, même s'il n'avait pas été utile, il n'avait croisé personne qu'il connaissait. Ici à Nevers il n'y a que peu de risque qu'on le reconnaisse.

Non, je n'ais rien de prévu, je peux vous accompagner ?

Bilichilde

Elle le regarda en souriant, soulagée qu'il accepte son invation.

Bien sûr, vous pouvez m'accompagner. Attendez moi un instant, je reviens.

Elle monta alors dans sa chambre, le temps de passer une robe plus présentable que celle dans laquelle elle avait passé la soirée de la veille dans les bois, de brosser ses cheveux, et elle redescendit aussitôt. Elle prit un panier au passage, et le regarda en souriant.

On y va ?

Nimedhel

Décidemment, elle était très belle. Trop peut être. Sacré Thoronalag, il le reconnaissait bien là ! Il ressentait quelque chose avec cette femme, ce n'était pas de l'amour ou du moins il ne le ressentait pas comme tel. Plutôt une complicité très profonde...

Enfin, ce n'est pas le moment de se laisser attendrir par ces beaux yeux, il faut rester vigilent, le danger existe et il est bien réel.

Avec un grand sourire, il lui tendis son bras

Allons-y ! Ce sera l'occasion de me faire visiter la ville.

Bilichilde

S'approchant de lui, elle prit le bras qu'il lui tendait.

Alors c'est parti !

Elle l'entraina sur le chemin qu'elle avait fait la veille dans le sens inverse. Ainsi, en journée, avec quelqu'un à ses côtés, l'endroit n'avait plus rien d'effrayant. Les oiseaux, cette fois-ci, sifflaient de douces mélodies, le bruit du vent dans les feuilles les accompagnait, seule restait l'agréable sensation que Thoro était à ses côtés, mais plus puissante encore. Non pas qu'elle confondait Thoronalag et Nimedhel, non,... mais simplement de savoir une présence amie, protectrice, cela la rassurait.

Par moments, elle le regardait quelques secondes, puis replaçait aussitôt son regard sur le chemin, comme gênée par la situation. Elle ne parlait pas, mais était-ce parcequ'elle ne savait pas quoi lui dire, ou parcequ'elle n'osait pas lui parler ?... Elle ne savait pas répondre à cette question. Surtout qu'elle ne savait finalement pas qui il était. Etait-ce le même qu'elle avait rencontré la veille ? Le même qui lui avait amené de quoi manger le matin même ? Une seule chose était claire dans son esprit, quoique contradictoire : la peur, mais en même temps l'excitation de faire confiance à quelqu'un qu'elle ne connaissait pas, de marcher à ses côtés...

Enfin, la place du marché était en vue.

Nimedhel

C'est vraiment très agréable ce village.

Il était heureux d'être arrivé ici après tant d'années de voyage. Cela lui permettrait de se poser un peu et surtout de se reposer. Mais il fallait aussi rester vigilent, le danger était là, c'est pour ça qu'il était venu.

Presque sans s'en rendre compte il glissa sa main dans celle de Bilichilde, il resta ainsi quelques instants et se rendant compte de son geste, il la retira précipitament.

Bon....humm....que voulez-vous....acheter.....

Bilichilde

Pendant un instant, elle eut l'impression d'un geste naturel, habituel, comme s'il en avait toujours été ainsi, comme si elle le connaissait depuis des années...

Mais, à l'instant suivant, lorsqu'ils se rendirent compte l'un et l'autre de la situation, et qu'il retira sa main, elle sentit le rouge lui monter aux joues. Reprennant son panier à deux mains, elle s'efforçait de regarder le marché, et rien que le marché, en lui répondant.

Euh... Ce que je veux... acheter... Du pain ! Je veux acheter du pain !

Sur quoi elle se mit en marche vers la boulangerie, le regard droit devant elle. Une fois son pain dans le panier, elle entreprit d'acheter de la viande, quelques légumes, des fruits, et une bouteille de lait. Elle ne s'arrêta qu'une fois le panier plein et bien lourd.

Pendant toute sa cavalcade, elle n'avait eu de cesse de jetter un oeil derrière elle, vérifiant par là qu'il la suivait toujours. Puis, se souvenant soudainement de la raison de sa présence ici, elle se dirigea directement vers le panneau d'affichage de la mairie, et commença à lire la liste des habitants de Nevers. En parcourant les noms de haut en bas, elle arrêta soudain son doigt sur un nom. Scrutant le visage de Nimedhel, juste derrière elle, elle lui dit :

Vous voyez ? Elle est toujours à Nevers...

Nimedhel

Effectivement elle habitait ici. Même s'il s'y attendait, cette nouvelle ne lui inspira pas confiance du tout. Cette femme devait être très forte et rusée s'il avait réussi à pousser Thoronalag au suicide, lui même était un soldat surentraîné et très fort physiquement et mentalement. Nimedhel avait de la peine à croire que Natasha qu'il avait connu fragile à l'époque, ait réussi à venir à bout de son ami. Ils avaient vécu quelques années ensemble, elle le connaissait très bien, c'est sans doute à cause de cela qu'elle avait réussi.

Maintenant qu'ils étaient sûrs que Natasha vivait encore à Nevers, ils devaient la retrouver absolument et parallèlement essayer de connaître ses intentions.

Nimedhel mit sa main sur l'épaule de Bilichilde

Ne vous inquiétez pas, je suis là.

Bilichilde

Je sais oui, je sais..., répondit-elle, regardant sa main sur son épaule. Il était là... Oui... Mais pour combien de temps ? Et que comptait-il faire ? Depuis des mois, Natascha n'avait rien entrepris contre elle, pourquoi donc le ferait-elle maintenant ? Et de toutes façons, si elle savait que quelqu'un était là pour la protéger, elle n'oserait certainement pas s'en prendre à elle... Ils n'allaient quand même pas aller la voir pour lui demander si elle comptait s'en prendre à elle après Thoro ?

Imaginant la scène, elle se mit à sourire.
"- Bonjour ! On ne vous dérange pas longtemps, ne vous inquiétez pas ! On voudrait juste savoir en fait, si c'était bien vous qui avez poussé Thoronalag au suicide, et si vous avez l'intention de vous en prendre à moi ensuite ?
- Ah oui, bien sûr ! J'ai fait cela, et je compte bien m'occuper de vous d'ici peu, en effet !
- Bon bah merci, au revoir !"
Ridicule...

Elle se retourna alors, et, posant son panier bien lourd à terre, s'assit un instant.

Vous comptez rester longtemps à Nevers ?